La boîte à merveille
Titre: La boîte à merveille
Genre: Roman
Auteur: Ahmed Sefrioui
Date de parution: 1954
Edition: Librairie des Ecoles.
Le Chapelet d’ambre (Le Seuil, 1949) : son premier roman où il évoque Fès (il obtient le grand prix littéraire du Maroc, pour la première fois attribué à un Marocain).
La boîte à merveille (Le Seuil, 1954) : La ville de Fès vue à travers le regard du petit Mohammed. Ce roman ethnographique apparaît comme le texte inaugural de ce qui est aujourd’hui la littérature marocaine d’expression française.
La Maison de servitude (SNED, Algérie, 1973).
Le jardin des sortilèges ou le parfum des légendes (L’Harmattan, 1989).
LES ANECDOTES SUR AHMED SEFRIOUI :
Argent : Dans le film qu’il a tourné, l’écrivain marocain s’est révélé un homme très simple sans autre ambition que de révéler la culture de son pays au monde entier. Il disait lui-même : ‘Je n’ai jamais fait d’argent. Je ‘Je n’ai jamais fait d’argent. n’ai même pas de quoi me payer un lopin de terre pour mon enterrement.’
Film : En mai 1994, la télé marocaine a consacré un film à Ahmed Sefrioui, sur sa vie. Juste avant de mourir, il avait demandé à le revoir mais sa requête s’est perdue dans les couloirs de la chaîne.
L'histoire:
La Boîte à Merveille
La symphonie des trois saisons...
Premier roman de Sefrioui, La boîte à merveille, une suite de scènes et de tableaux, raconte la vie quotidienne d’une famille populaire dans la vieille ville de Fès. Dès son ouverture, le roman ne manque pas d’installer une ambiance exotique. Un regard pittoresque sur un monde plein de tendresse, de couleurs et de parfums, qui ne manque pas d’ambiguïté sur le sens du récit.
C’est bel et bien un album, pour reprendre l’expression du narrateur, dont le lecteur tournera les pages. Un album haut en couleurs qui nous fera parcourir trois saisons et nous mènera de découverte en découverte, explorer la société marocaine du début du XXème siècle : mode de vie, traditions, rituels et vision du monde. D’avoir masqué la réalité politique de l’époque, laisse entrevoir un parfum d’exotisme et fait penser à un film documentaire d’ethnographe.
les déclencheurs du récit :
L'équilibre initial coïncide dans la Boîte à merveilles avec une prise de conscience d'une carence, d'un manque (…moi, je ne dors pas. Je songe à ma solitude et j’en sens tout le poids) et se transforme en rupture.
La nuit et le poids de la solitude déclenchent le récit. Le narrateur (l’adulte) se penche sur son passé à la recherche de réponses possibles (Ma solitude ne date pas d’hier….P3.) ou de réconfort (pour égayer ma solitude, pour me prouver que je ne suis pas mort. P6.).
L’enquête se construira sur la mémoire fabuleuse héritée de l’enfant de six ans. (Cire fraîche...les moindres événements s’y gravaient en images ineffaçables…cet album…P6.)
Les outils de l’enquêteur sont donc les images d’un album. Portraits et paysages se succéderont au fur et à mesure qu’il en tournera les pages. L’abondance de l’imparfait est justifiée par la dominance du descriptif. La nostalgie orne le récit de couleurs, de parfums et de tendresse, la perception de l’enfant l’entraîne dans le monde du merveilleux et de la magie.
L’ESPACE :
Fonction :
Il permet un itinéraire. Le déplacement de l’enfant s'associe à la rencontre de "l'aventure". Et à la quête de la connaissance. On peut réduire l'itinéraire dans le cas de Sefrioui à un schéma simple, deux types de base dominent. (L’aller - retour….L’initiation et la conquête.). L’enfant revient toujours à son point de départ, la maison, plus exactement la pièce occupée par la famille. L'espace offre un spectacle, plus qu’il ne sert de décor à l'action, cette dernière n’étant pas privilégiée. Il est soumis au regard du personnage. I' enfant se dresse en spectateur. La relation entre le lieu et son état d'âme est forte. Une correspondance symbolique s'établit entre l’enfant et les lieux décrits.
Organisation :
On peut facilement constater des oppositions symboliques et fondamentales, souvent binaires.( clos / ouvert …sombre / éclairé…espace réel /rêvé). Ceci permet une mise en place de l’ambiance du secret, de l’étrange, et du mystère imprégnant le récit dès son ouverture de l’ambiance des contes merveilleux.
Représentation :
La narration prend en charge les éléments descriptifs concernant le cadre de l’action. L’enfant explore progressivement ce cadre : la ruelle, le Msid , La rue Jiaf et le bain maure. La description est dynamique.
La ruelle (p3) « Il court jusqu’au bout de la ruelle pour voir passer les ânes et revient s’asseoir sur le pas de la maison »
La maison(P3) « au rez-de chaussée….Au premier….Le deuxième étage…. ».
Les Temps :
Comme dans les contes de fée, le temps est vague, imprécis, flou. Premier repère, l’âge du personnage principal : six ans.
L’enfant - narrateur a une conception du temps motivée par l’attente, celle de son père chaque soir et celle de grandir. L’écoulement du temps est saisi dans une logique arithmétique. Matin et soir font une journée, les jours font des mois, les mois des saisons et les saisons l’année.
Une journée ordinaire est marquée par le réveil, le msid, les jeux, les conversations des voisines, et le retour du père, tard le soir. Les jours de la semaine retracent plus des activités habituelles (Lundi, jour de lessive, mardi, journée particulièrement redoutée au msid.). Un événement exceptionnel comme un retour précipité du père à la maison ou la visite d’un étranger constituera un repère. Ainsi, l’Achoura, fête qui va bouleverser le train train quotidien de l’enfant, les différentes visites de Lalla Aicha, le départ du père vont permettre de construire une suite justifiant un déroulement chronologique. Les indicateurs de temps renforceront cette chronologie par le marquage des saisons (L’hiver / 3 chapitres, le printemps / 4 chapitres et l’été / 5chapitres). On peut alors aisément estimer la durée du récit à trois saisons et avancer que le narrateur enfant approche de ses sept ans à la fin du roman.
Le nœud de l'histoire:
La faillite du père du narrateur, Abdesslam qui a perdu son capital dans le souk.
Le "happy-end ":
- Le thème du retour est crucial dans la boîte à merveilles :
1- Le retour du père déclenche de nouveau la joie et le bonheur de la famille
du narrateur.
2- Le retour de Moulay Larbi : Lalla Aicha reprendre du coup sa vie conjugale
Heureuse.
3- Le retour de l'enfant: Sidi Mohmmed recouvre sa boite à merveilles.
L'ethnographie:
A.Sefrioui se livre à décrire minutieusement des lieux à vocation, à la fois religieux et culturelle. Le sanctuaire,) titre d'exemple, ainsi que des personnages tels que sidi El Arafi, Chouafa etc. Parallèlement, les remets non traduits du dialecte renforce ce souci ethnographique flagrant.
Le regard de l'enfant:
Tant donné qu'il est enfant, le narrateur à le droit de s'insinuer dans des zones bel et bien intimes et sans aucun doute infranchissable: prenons à titre d'illustration "le bain maure". Effectivement, la scène du bain maure fait de l'enfant un espion qui guette le monde féminin en franchissant toutes les frontières (description des corps des femmes: mamelles pendantes, cuisse humides, ventre ballonnés, fesses grises…
Le pacte autobiographique:
Tel tout écrivain autobiographique, Ahmed Sefrioui, quant à lui, promet le lecteur de lui communiquer un récit rétrospectif sincère et véridique:
« J'avais peut-être six ans, ma mémoire était une cire fraîche et les moindres événements s'y gravaient en images ineffaçable. Il me reste cet album pour égayer ma solitude, pour me prouver à moi-même que je ne suis pas encore mort.».p.6
1- Propice de la mémorisation.
2- Autobiographie sincère.
3- Pérennité aspirée.
- Le récit d'Ahmed Sefrioui est marqué surtout par des interventions ironiques
(l'ironie : faire comprendre le contraire de ce qu'on veut dire):
Il ironise sur Zineb qui s'intéresse à l'état maladif noir…
Il ironise sur l'altitude de Lalla Aîcha (la chanson…).
Le sanctuaire: un saint qui préfère intensément les chats!
Littérature maghrébine :
C’est vrai que plusieurs ensembles littéraires coexistent ça fait longtemps et comme ça ils ont interférés au Maghreb aussi, et par moyen de la langue d’écriture soit arabe, berbère, français ...et travers de leur statut, leur fonctionnement et surtout leur public, les littératures algérienne, marocaine ou tunisienne montrent la voix de ce people qui ont une remarquable contribution au champ littéraire mondial....
Cette littérature d’expression française s’assure dans la mesure où elle considère le Maghreb comme son centre de gravité, elle se développe travers des écrivains qui demandent une identité maghrébine plus spécifique. Son public été toujours international, pour montrer le soif de indépendance qu’ils ont eu surtout au moment de naissance du mouvement que était en combat de libération national. Cette littérature est gravement marquée par le statut problématique du Français, langue considéré comme d’aliénation dans laquelle on proclame l’indéfectible amour de la langue maternelle, mais aussi langue du combat identitaire ou langue du recul critique proposé par le détour de la langue étrangère ou de l’exil.
Ici, quelques noms connus de cette littérature que je trouve comme extraordinaire, puisque montrent l’amour, la revendication d droits et force brave de ce people qui ont d’inspiration révolutionnaire en nom de l’amour par leurs traditions et pays.
1939 Jean Amr ouche (Algérie), Chants berbères de Kabylie
1952 Mohammed Dib (Algérie) La Grande Maison, Mouloud Mammeri (Algérie), La colline oubliée
1953 Albert Memmi (Tunisie), La statue de sel
1954 Driss Chraïbi (Maroc), Le passé simple
1956 Kateb Yacine (Algérie), Nedjma
1959 Kateb Yacine (Algérie), Le cercle des Répresailles
1967 Mohammed Khaïr-Edinne (Maroc), Agadir
1971 Abdelkebir Khatibi (Maroc), La mémoire tatouée
1979 Abdelwahab Maddeb (Tunisie), Talismano
1985 Hélé Beji (Tunisie), L´oeil du jour
Entre d’autres donc la liste est très longue...J’ai choisi aussi, de chaque pays un representant pour parler sur eux et alors sont ils...
Ahmed Sefroui – Maroc :
Il est né en 1915, à Fès au Maroc, dans une famille berbère arabisée, il a fréquenté l’école coranique et puis le collège Moulay-Idriss. Il a travaillé sur plusieurs métiers, interprète, office-boy, etc. Et il arrivé à être haut fonctionnaire au Service des Monuments historiques de Rabat. Ahmed Sefrioui décrit bien les milieux traditionnels du Maroc en oublient les problèmes politiques. Il a écrit “J’étais un enfant seul” où il parle des aspects intérieurs de sa religion islamique, mélangeant avec des souvenirs de son enfance en famille. Voici un petit extrait de son œuvre....
J’étais un enfant seul
ہ six ans j’étais seul, peut-être malheureux, mais je n’avais aucun point de repére qui me permît d’appeler mon existence : solitude ou malheur.
Je n’étais ni heureux, ni malheureux. J’étais un enfant seul. Cela je le savais. Point farouche de nature, j’ébauchai de timides amitiés avec les bambins de l’école coranique, mais leur durée fut brève (...) Moi, je ne voulais rien imiter, je voulais connaître. (...) Mon père me parlait du paradis. Mais pour y renaître, il fallait d’abord mourir. Mon père ajoutait que se tuer était un grand péché qui interdisait l’accès à ce royaume. Alors je n’avais qu’une solution : attendre ! Attendre de devenir un homme, attendre de mourir pour renaître au bord du fleuve Salsabil. (...) J’ai six ans, l’année prochaine j’en aura sept et puis huit, neuf et dix. ہ dix ans on est presque un homme.
Ahmed Sefrioui, la boîte à merveilles, 1954 © Editions du Seuil, 1978
Guide de lecture de La Boite à Merveilles :
1- La Boîte à merveilles et son auteur : entre le rejet et la consécration :
1.1- La littérature marocaine de langue française Pendant à peu près quatre décennies (c’est-à-dire de 1912, date où le Maroc entre sous le protectorat français, jusqu’au 1937, date de publication des premières œuvres de Sefrioui), la littérature marocaine est demeurée "exclusivement française sur le Maroc". Aussi était-il normal que le roman marocain d’expression française fût, pendant un moment, le prolongement de cette littérature dite "littérature coloniale". En effet, les premiers écrivains nationaux, désireux de présenter leur propre vision de la société, produiront d’abord des œuvres imprégnées de ce caractère "ethnographique" (appellation péjorative qui désigne une forme inconsciente d’aliénation culturelle). Mais cette étape sera vite dépassée puisque la littérature marocaine va s’inscrire dans la modernité avec des écrivains talentueux et courageux comme Driss Chraïbi, Abdelatif Laâbi, Mohamed Khair-Eddine …. 2.2- Place de Sefrioui et son œuvre dans cette littérature Ahmed Sefrioui, en tant que pionnier de cette littérature, appartient évidemment à la première génération, celle des écrivains marocains qui, ayant été éduqués dans l’école instaurée par le protectorat, ont choisi "la langue de l’occupant" pour exprimer leur intimité et donner " de la réalité socioculturelle une vision de l’intérieur, en opposition avec les représentations mythiques et idéologiques des écrivains français." . A la littérature coloniale et ethnographique ils opposaient cette fois-ci une littérature jaillissant de l’âme même des autochtones. "C’est la littérature du Maroc profond ou ce que Sefrioui nomme lui-même “La littérature des profondeurs natales”.
2.3- Caractéristiques de l’œuvre de Sefrioui :
Selon des critiques peu cléments, l’auteur de La Boite à Merveilles, ne pourra pas s’affranchir de l’héritage exotique et pittoresque de ses maîtres .Il adoptera un style et une technique d’écriture qui laissent entendre que ses œuvres sont destinées à un lectorat étranger plutôt que marocain. Certains ont vu dans l’œuvre de Sefrioui, en plus du caractère "ethnographique", une absence d’engagement contre l’occupant français et un manque d’intérêt vis-à-vis de tout ce qui se passait dans le pays. Le lecteur de son roman est plongé dans une sorte d’"autofiction" où la réalité se meut avec la rêverie. « On y relève certes, une authenticité et une fraîcheur que lui permet la focalisation par le regard d’enfant, mais aussi des procédés qui rappellent le roman exotique comme l’insistance sur le pittoresque et la présence de mots arabes traduits en bas de page ou commentés dans le contexte, dont la visée implique un lecteur étranger à la culture marocaine». En plus de ces deux caractéristiques, des critiques vont jusqu’à percevoir chez Sefrioui une certaine aliénation . Mais des spécialistes de la littérature marocaine d’expression française, moins virulents, estiment au contraire que l’absence manifeste du colon dans le récit est une façon biaisée d’ignorer "cet Autre" et "avec beaucoup de mépris". Ils n’hésiteront pas, dans un effort de réhabilitation de Sefrioui, à dire que l’intégration, par ce dernier, de "l’oralité" et des "expressions culturelles populaires" ou de " la vision soufie de l’existence" dans ses romans est une méthode savante de combattre l’ethnocentrisme et l’égocentrisme de l’européen colonisateur, qui considérait ces formes d’expression comme du "folklore" ou comme de la "sous culture. " (Vous trouverez en annexe trois extraits développant ces points de vue sur les écrits de Sefrioui)
2- Contenu de l’oeuvre et biographie de son auteur :
2.1- La Boîte à merveilles, un genre indéterminé ?
En dépit des efforts des critiques, de nombreuses œuvres manifestement autobiographiques, mais ne posant aucun pacte ou se déclarant appartenir à un genre fictionnel, restent indéterminées. Dans le cas de "La Boite à merveille ", pourtant considérée par la critique spécialisée comme l’une des toutes premières autobiographies de la littérature marocaine d’expression française, les événements sont rapportés à la 1ère personne ; mais à aucun moment, ce pronom ne s’identifie explicitement à l’individu de l’auteur qui s’appelle Sefrioui et se prénomme Ahmed alors que le personnage principal de l’intrigue s’appelle sidi Mohamed fils de Zoubida et du mâalem Abdesslam le tisserand. Dès la page de couverture l’auteur se plaît à brouiller les pistes, en qualifiant son œuvre de " roman". Le lecteur est obligé de vérifier si le côté anecdotique dans l’œuvre correspond aux éléments biographiques de l’auteur, pour décider du genre de ce récit.
2.2- Biographie de l’auteur, pour quelles traces dans son œuvre ?
Écrivain marocain qu’on a tendance à considérer comme le pionnier de la littérature marocaine d’expression française. Il est né à Fès, en 1915, de parents berbères. Le parcours de cet écrivain, est celui de ces petits marocains scolarisés sous le protectorat : l’école coranique est un passage obligatoire pour tout élève avant que celui-ci n’accède aux écoles du colon (dites écoles de fils de notables ou d’indigènes). Dans ce genre d’établissement, il aura comme professeur l’un des auteurs français progressistes, François Bonjean, qui lui préface son premier livre et le sollicite plus tard pour écrire la préface d’une réédition marocaine d’un de ses ouvrages en 1968. Il signe son nom, en 1949, en recevant le grand prix littéraire du Maroc pour son premier livre " Le Chapelet d’Ambre". Mais auparavant, il aura fait ses preuves de journaliste dans l’organe « l’action du peuple », avant d’être nommé conservateur au musée d’« Al Batha », qu’il va fonder à Fès. Il accèdera par la suite à quelques hauts postes administratifs :
D’abord aux services des Arts et Métiers de sa ville natale.
Puis à partir de 1938 au sein des ministères de la Culture, de l’Education Nationale ou à la Direction du Tourisme à la capitale Rabat. Ahmed Sefrioui va nous quitter en mars 2004, après nous avoir légué une œuvre littéraire riche et variée qui sera rééditée ou traduite dans d’autres langues : le Chapelet d’ambre (le Seuil, 1949), la Maison de servitude (SNED, Algérie, 1973), le Jardin des sortilèges ou le parfum des légendes (l’Harmattan, 1986).
2.3- Ce que raconte la Boîte à merveilles La ville de Fès, capitale spirituelle du royaume est omniprésente dans la majorité des écrits d’Ahmed Sefrioui.
Dans la Boîte à merveilles, le lecteur suit le regard du jeune « Mohammed », un enfant de six ans, qui lui fait découvrir le quotidien de sa famille, colocataire d’une maison de la médina où elle occupe deux chambres au deuxième étage. Au gré de jeux de ce gamin, de ses déplacements et de ceux de sa mère, dans les ruelles, pour une raison ou une autre, on découvre la médina de Fès, avec ses souks et ses fondouks ; on visite ses marabouts, ses mausolées et ses bains ; on assiste à ses fêtes et ses rites ; on hume ses senteurs et ses arômes ; on pénètre dans ses écoles coraniques et on rencontre ses "Fqihs" ses artisans et leurs apprentis ; on côtoie ses porteurs et leurs bêtes…. Notre guide est un môme, grand rêveur. Il est le fils unique d’une famille dont le père est un tisserand qui trime et sue pour le bonheur de son petit foyer. Un ménage qui a quitté son village dans les montagnes pour s’installer à Fès comme d’autres. Cette famille semble ne manquer de rien jusqu’au jour où le "Mâalem" Abdeslem perd tous les frais de roulement de son atelier et toutes ses économies lors d’une visite au souk pour l’achet de bracelets à sa femme Zoubida. Cet événement va bouleverser le train de vie de cette petite famille habituée au partage et au commérage avec les autres occupants de la grande maison. Le père va être obligé de quitter Fès pour aller travailler (temporairement) comme moissonneur dans les villages avoisinants de Fès. Tout rentra dans l’ordre quand le chef de famille va retourner dans son foyer avec l’argent nécessaire pour relancer son atelier. Sur cette intrigue intégrée dans l’action principale (celle de la quête par le héros d’une compagnie idéale pour réparer le manque né d’un sentiment de solitude implacable) viennent se greffer une série de petites histoires anecdotiques (la disparition de la petite voisine Zineb, la vie conjugale de l’oncle Othman, la ruine puis le second mariage de Moulay Larbi, l’époux de Lalla Aïcha, l’amie de Zoubida, etc.) dont la narration est prise en charge par un ou plusieurs autres personnages et rapportée au discours direct par le héros. Deuxième partie : des personnages et un espace (Regardez les articles précédentes), un contenu (Regardez ci-dessus):
1- Le synopsis de l’œuvre :
Ce synopsis contient les faits et événements majeurs de chacun des douze chapitres ainsi que leurs circonstances :
Chapitre. 1 (pp. 7-8) Pour illustrer l’inéluctable sentiment de solitude qui l’empêche encore de dormir le je narrant (personnage adulte) effectue un retour au passé qu’il entame par l’image d’une impasse et d’un enfant anonyme, solitaire lui aussi mais triste, car il ne parvient pas à piéger les moineaux dont il voulait faire ses compagnons. Après ce songe, le narrateur nous introduit dans la demeure familiale qui se trouvait, à deux pas de son école coranique de Derb Nouala. Plusieurs familles se partageaient cette grande maison de deux étages :
Les deux pièces et le patio du rez-de-chaussée étaient occupés par Kanza la voyante.
Au 1er étage la famille de Driss El Aouad disposait d’une pièce.
La famille du narrateur, disposant de deux chambres, partageait depuis trois ans, avec Allal le jardinier et sa femme Fatma Bziouia, le 2ème étage de cette maison de la médina de Fès. Ayant campé cet espace familial, le narrateur nous présente une des grandes figures de ces colocataires : Kanza la voyante dont les activités de prédiction connaissaient, par moment, une grande affluence d’une clientèle féminine "en quête du bonheur", comme elles connaissaient, aussi, une basse saison, où la cartomancienne "s’occupait de sa propre santé" p.9 Le narrateur semble justifier cette plongée dans son passé comme une cure de jouvence pour sa solitude d’adulte. Toutes les images et les moments retrouvés constituent un instant de bonheur et de gaieté pour l’auteur. Il pense qu’il n’était "ni heureux, ni malheureux, mais un enfant seul". Il peint un autoportrait où il se présente comme un petit enfant avide de savoir, qui baignait dans un univers particulier, à l’écart des ses condisciples. Dans ce chapitre liminaire, le maître de l’école coranique, a lui aussi, droit à une brève présentation qui précède le compte rendu de la journée de maman au bain maure. Le narrateur en garde un sentiment d’appréhension qui l’empêche toujours "de franchir les portes de ces lieux." Il en a toujours gardé, le souvenir d’une scène animée de femmes nues, se mouvant dans cet espace de promiscuité, de moiteur et de chaleur insupportables. Un lieu qui serait la réplique exacte d’"un enfer sur terre." L’enfant attendait le retour de sa mère, en jouant dans la rue ou en contemplant sa "boite à merveilles". Cet objet éponyme était une boite de pacotille pleine de choses hétéroclites sans valeur mais qui n’avaient de sens que pour lui. Dans sa solitude, ces objets" étaient ses uniques compagnons, gisant "là, dans leur boite rectangulaire, prêts à (lui) porter secours dans (ses) heures de chagrin."p, 14. Le lendemain de la journée du bain était un jour de commérage pour les voisines. La maman du narrateur leur faisait le compte rendu détaillé et amusant de toutes les scènes auxquelles elle avait assisté. Le bain était un lieu de potins et de purification pour toutes les femmes du quartier. La maman du narrateur, avait l’habitude d’attendre son mari pour lui faire le résumé des évènements "futiles" de sa journée, ou celui de ses altercations avec les autres voisines, telle que celle qui l’opposa dans ce premier chapitre à Rahma, l’épouse de Driss Aouad(le fabricant de charrues). En fait, cette voisine qui ne disposait pas d’assez d’espace pour faire ses activités ménagères, avait l’habitude de faire sa cuisine sur le palier. Or, elle eut le malheur de laver son linge un lundi - jour réservé à Zoubida, la maman du narrateur - ; Celle-ci y vit une sorte de provocation de la part de cette voisine sans origines et se permit de la corriger en la traitant de toutes les bassesses. Le soir, en rapportant à son mari l’incident, la mère se fit passer pour une victime inoffensive et clémente, tout en manifestant sa véritable nature de langue déliée. Elle ne se retint pas, dans sa plainte, de traiter Rahma de pouilleuse. Celle-ci riposta immédiatement et le chapitre se referme sur l’évanouissement de l’enfant témoin, à la suite d’une tempête d’apocalypse provoquée par un nouvel échange de cris et d’injures véhéments.
Chapitre 2 (pp. 19-32) Le narrateur se souvient du msid et de ses mardis " au couleur de cendre". Il s’y rendait souvent le matin, après des nuits pleines de cauchemars, et n’en revenait que vers midi pour le déjeuner. Le lendemain de la dispute, Lalla Aicha, une ancienne voisine et amie de la famille leur rendit visite. Elle prodigua mille conseils à Zoubida qui souffrait encore des suites de sa querelle. La visiteuse lui fit deux propositions :
Aller voir un Fqih dont les talismans et les gris-gris étaient réputés efficaces pour guérir tout type de ||||| | était fatigué de sa seconde épouse, qu’il voulait retourner dans son premier foyer, mais qu’il n’avait pas le courage nécessaire pour cela. Salama ajouta que tout allait rentrer dans l’ordre parce que cet époux ingrat ne trouverait jamais d’épouse meilleure que sa première femme. Pendant que Salama mettait les deux femmes au courant des derniers événements, Zhor, une voisine de Lalla Aïcha, vint demander un peu de menthe ; mais en vérité, elle était venue pour participer à la diatribe contre la seconde femme du babouchier. D’après les propos de ces femmes, toute la famille du coiffeur était maudite et indigne de Moulay Larbi. Les agissements de la fille du barbier montraient le caractère insolent de cette famille et des jeunes filles de l’époque. Impressionné par la singularité et la délicatesse de Salama, qui lui offrit des gâteaux et prit sa défense contre une locataire acariâtre, et séduit par la fraîcheur et l’éclat de jeunesse de la voisine Zhor, qu’il souhaita voir assise à ses côtés, l’enfant se laissa entraîner par sa rêverie et oublia qu’il tenait un verre plein à la main.
Chapitre 12 (p179 à la fin) Ce matin, la maison se réveilla sur chant de Kanza la voyante qui entonnait un air vite repris par Rahma et les autres voisines. Elles chantaient la beauté de la Femme. Emporté par ce concert, le narrateur se mit à composer des vers en hommage à une beauté incarnée de son point de vue par la jeune Zhor vue chez Lalla Aicha. Malheureusement, ses rêveries furent interrompues par l’arrivée de son condisciple Allal Yakoubi, envoyé par le Fqih s’enquérir de ses nouvelles. Toute la maison dut se taire lorsque Zineb vint annoncer le retour de Maâlem Abdeslem. Surprise, Zoubida, sa femme, resta "les bras ballants" au milieu de la pièce car elle ne croyait pas ses yeux, "elle nageait dans la joie au point de perdre l’usage de la langue."p 183 Le voisin Driss El Aouad, venu saluer son voisin et invité par lui à partager le thé, fit part à la famille du divorce de Moulay Larbi d’avec la fille du coiffeur, ce que Maâlem Abdeslem approuva comme un geste de bon sens. Quant à Sidi Mohammed, après avoir servi fièrement le grand et lourd plateau de thé, tout en appréciant l’estime partagée entre les deux voisins et amis, il se retrouva seul ; mais cette fois, il se refusa à se laisser envahir par le pénible sentiment de solitude et alla chercher dans sa boîte à merveilles la compagnie de ses amis à lui.
I) Le Genre Autobiographique :
Le mot "autobiographie" est composé de trois racines grecques : "autos" ("soi-même"), "bios" ("la vie"), "graphie" ("écrire"). Une autobiographie est le récit qu'une personne fait elle-même de sa vie passée : elle est à la fois l'auteur, le narrateur, et le protagoniste. Dans le texte autobiographique, "je" renvoie à la fois à l'auteur qui signe et raconte et au héros qui vécut l'histoire racontée. Contrairement au "je" romanesque, le "je" autobiographique désigne donc une personne réelle ; cependant cette personne peut avoir beaucoup changé entre le moment vécu (son enfance, par exemple) et le moment ou elle écrit : la première personne du texte autobiographique renvoie donc à des "moi" différents. D'où la double énonciation.
- Narration et commentaire : le récit des évènements vécus est "rétrospectif" ce qui implique l'utilisation des temps du passé (passé simple ou imparfait) où le présent de narration.
- Mais très souvent l'auteur commente ses évènements : il utilise alors le passé composé, le futur.
-« Le pacte autobiographique » : Philippe Lejeune désigne par cette expression les conventions qui règlent la relation auteur-lecteur dans les œuvres autobiographiques. L’auteur s’engage :
* à relater les évènements vécus dans l’univers réel
* à ne pas mentir
* à tout dire
L’autobiographe est un auteur sincère, le lecteur est invité à lire l’œuvre en tenant compte de ces données : on lui demande d’accepter d’être un témoin, un confident, un juge, un complice et parfois un voyeur.
- Ces pactes autobiographiques sont souvent exprimés dans le texte, ils peuvent aussi être souscrits hors du texte, sur la couverture, dans d’autres récits, dans des interviews…
II) Les enjeux de l’autobiographie :
Parler de soi : L’autobiographe raconte sa propre vie et tout particulièrement les épisodes et époques marquants. Son enfance, ses relations avec ses parents et amis, ses premières amours, ses premiers chagrins. Il est confronté au problème du temps qui fuit, du souvenir qui se brouille, des changements irréversibles de la mort. Le lecteur est son confident, de son point de vue, l’autobiographe relève du registre lyrique.
Parler pour soi : L’autobiographie sert aussi à expliquer la formation d’une personnalité et à justifier des choix, des actes. Ainsi, Rousseau entreprend-il d’écrire des « Confession » pour faire comprendre qui il est vraiment et pour persuader le lecteur qu’il est un homme bon, malgré ce que disent de lui ses détracteurs. De ce fait, l’autobiographie relève aussi de l’argumentation : elle peut se faire plaidoyer ou réquisitoire.
Faire œuvre d’art : Quel que soit son désir de sincérité et de vérité, l’écrivain qui rédige son autobiographie a préoccupation esthétique. Il choisit l’ordre de la narration, développe plus ou moins certains épisodes, adopte un ton et un style d’écriture particuliers. L’autobiographie d’écrivain n’est pas un « document » qui aurait une valeur de vérité historique, mais un mouvement qui se signale par ses qualités esthétiques.
III) Les genres proches de l’autobiographie :
L’autoportrait : c’est une œuvre dans laquelle l’auteur analyse sa personnalité mais sans raconter le déroulement de sa vie (Montaigne dans « Les essais » ; 1560-1595).
Le journal intime : ce n’est pas non plus un récit rétrospectif et global puisqu’il est écrit au jour le jour avec l’énonciation du discours.
Les mémoires : ces textes ne sont pas centrés sur la vie intime de l’auteur, mais sur les évènements historiques dont il a été le témoin (Saint Simon dans « Mémoires » ; 1694-1752).
Les correspondances : les lettres apportent des informations biographiques sur leur auteur mais elles le font de manière partielle et discontinue : on ne s’écrit que lorsqu’on est séparés, de plus les sujets abordés ne sont pas les mêmes selon les correspondants. Les correspondances d’écrivain relèvent à la fois de l’entreprise biographique et de la critique littéraire : on y trouve des éclairages sur les projets de l’auteur et la genèse des œuvres.
Les biographies : elles racontent la vie de personnes célèbres et sont rédigées pas des spécialistes (historiens, critiques) ou des journalistes.
Les récits de vie : ce genre apparu récemment propose la biographie de personnes inconnues mais dont la vie est originale. Ces récits sont souvent écrits sur commande à partir de confidences recueillies au cours d’entretiens. Ce genre est très populaire mais souvent encore méprisé par les cercles lettrés.
L'objectif de "La boite à merveilles" pour le petit enfant 'Sidi Mohammed' :
Boîte sous le lit:
La Boîte à Merveilles est une boîte ordinaire contenant des objets ordinaires. Des objets hétéroclites, en matière transparente, en métal, en nacre. Un bouton de porcelaine, des boules de verres, des anneaux de cuivres, un minuscule cadenas sans clef, des clous à tête dorée, des encriers vides, des boutons décorés, des boutons sans décor (p12), des épingles (p55) un cabochon en verre taillé en diamant offert par Rahma (p38), une chaînette de cuivre rongée de vert-de-gris offerte par sa mère, (p96).
Pour les autres, ce sont des vieilleries, le « bijou fabuleux et barbare »aux yeux de l’enfant est pour la mère « un bout de verre qui peut causer une blessure » (p39)
La métamorphose et ses secrets:
La transformation est de deux ordres. Le savoir faire et l’imagination. Ainsi, une opération de nettoyage transforme le métal vil en métal noble. « je savais transformer le cuivre, cette vile matière, en or pur ». L’imagination se charge du reste, l’objet devient fabuleux, chargé de vertus, porteur d’une histoire merveilleuse (p38). Ainsi, « Les plus humbles de mes boutons et de mes clous, par une opération de magie dont j’avais seul le secret, se muèrent en joyaux. » p96.
Les objets du plaisir et du mystère:
L’enfant découvre le plaisir des sens très tôt grâce à ses objets. L’objet est regardé, contemplé et caressé. Il a une âme et une vertu de talisman. Il est source de jouissance, « Il met les sens en extase » p13, et avait un goût qu’il ne pouvait goûter de la langue et le pouvoir d’enivrer, p13. L’impuissance à en jouir pleinement est un moment difficile pour lui. « Je sentais toute mon impuissance à en jouir pleinement. Je pleurais… ». Ce moment est pénible quand le sommeil empêche la contemplation, « mes yeux, hélas ! N’avaient plus la force de regarder » ; sinon encore plus cruel quand les objets perdent leur pouvoir magique et deviennent des objets ordinaires, « cette constatation fut cruelle. J’éclatais en sanglots.».
L’enfant, friand de contes découvre aussi que ses objets racontent des histoires. « Un bijou fabuleux provenant à n’en pas douter de quelque palais souterrain où demeurent les puissances de l’Invisible. »(p39). Chaque objet parle son langage (p13), c’est un ami (p13 ; 249), peut être un message, un talisman où une pierre maudite.
Les heures de chagrin! :
Les objets qui fascinent l’enfant et l’enchantent ont une autre fonction. Ils lui permettent de conjurer tristesse et solitude. « La nuit, la maison tomba dans le silence, je me sentis triste. Je sortis ma Boite... (p54).
La Boîte à Merveilles lui permet de s’évader d’un monde de contraintes et de malheur, le monde réel, celui des adultes. Ce motif revient chaque fois qu’il est question de la Boîte à Merveilles : « Pour échapper au bruit des tambours qui bourdonnait encore sous mon crâne, j’ouvris ma Boite à Merveilles,… » (p150). « Moi, j’avais des trésors cachés dans ma Boite à Merveilles. J’étais seul à les connaître. Je pouvais m’évader de ce monde de contraintes... » (P71).
L’enfant fait appel dans ses moments de détresse à ses objets « prêts à me porter secours » (p12). Grâce à sa boîte, il se sentira moins seul, moins triste. C’est dans de pareilles circonstances que l’enfant la retire de dessous son lit : « Je me sentis triste et seul. Je ne voulais pas dormir, je ne voulais pas pleurer. Moi aussi, j’avais des amis. Ils sauraient partager ma joie. Je tirai de dessous le lit ma Boite à Merveilles je l’ouvris religieusement.»(p249).
Par MR:
Driss Benomar